Saintélyon, ma Saintélyon, notre Saintélyon…
Un OVNI dans le monde de la course à pied. Entre trail et ultratrail, entre route et chemin…
Certains parlent de “course nature”. Encore un paradoxe pour celle qui s’étire entre les deux plus grandes métropoles de Rhône-Alpes, un trait d’union entre deux villes dont l’animosité chauvine est encore bien vive…
Un derby qui se joue baskets aux pieds, gants et bonnets bien enfoncé.
La Saintélyon c’est ce périple dont personne ne comprend vraiment l’intérêt avant d’y avoir gouté, c’est cette traversée dont il est bien compliqué d’expliquer ce qui nous a poussé à y participer sans passer pour un illuminé 😜.
En effet comprendre ce qui nous conduit à prendre le départ de cette épopée au cœur d’une nuit polaire peut échapper à la raison.
Une Saintélyon c’est quoi ???
Une Saintélyon c’est un minimum de préparation et d’anticipation. C’est souvent la dernière bambée de l’année… Se pointer pas trop emprunté est plutôt une bonne idée 😉.
Les jours précédents, les yeux rivés sur les prévisions météo, c’est divers scénario qui nous animent. Entre craintes et excitation, entre angoisse et impatience. On a beau y avoir déjà participé, on ne sait jamais vraiment à quelle sauce on va être mangé 🌧❄💨.
Cette année encore ne déroge pas à la règle.
Après avoir entendu, vu et lu que la pluie allait nous accompagner, ce n’est pas l’ombre d’une goutte qui est venu couler sur nos fronts à par celles de la sueur, ce n’est pas l’ombre d’une goutte qui est venu couler sur nos Joux à part peut-être celle de la douleur ou du bonheur.
La Saintélyon c’est avant tout une histoire de sensations, une histoire d’émotions…C’est un voyage intérieur que le froid et la nuit t’imposent. Il est bien difficile d’échapper à cela tant ce parcours est avare en échappatoire. Pas l’ombre d’un point de vue, pas une seule possibilité de divaguer, de laisser le regard s’évader…strict nécessité de rester concentré.
Le parcours 2021 a été légèrement modifié, un soupçon rallongé comme si il n’y en avait déjà pas assez 🤦♂️.
Après des heures d’attente au parc des expositions à tenter de lutter contre le sommeil, à essayer de se réchauffer…il est enfin temps d’y aller 💪.
Départ enneigé au cœur de Sainté!
Que c’est beau ces flocons virevoltants, nous tous, blottis et impatients, frontales allumées, la température commence à monter au son de la voix du speaker, de ses mots qui te donne le frisson!
🎼”Light my way” de U2 est branché, le compte à rebours est lancé…
10,9,8,7,6,5,4,3,2,1 c’est parti !
23h30, nous voilà lâchés sur ces premiers kilomètres goudronnés histoire de s’échauffer.
C’est lumière au front qu’il faut chercher un peu de visibilité qui reste bien limitée par ces bourrasques de neige qui viennent nous fouetter le visage alors que vont se profiler les premières ascensions.
C’est comme un mauvais présage alors que la température baisse aussi vite que le kilométrage augmente.
Les premiers ravitos, animés par des bénévoles au grand cœur ❤ nous permettent de retrouver un peu de chaleur. Gare à ce confort éphémère au risque qu’il ne devienne délétère quand le moment sera venu de replonger dans les entrailles inconnues de cette nuit devenu glaciale. Ce n’était qu’une escale, rapidement la neige et le froid deviendront moins poétiques, un peu plus tyranniques et les kilomètres de moins en moins anecdotiques. C’est reposé sur nos semelles légèrement cramponnées qu’il faudra tenter de rester un soupçon équilibré. Surtout ne pas céder à la panique même si tous les feux n’étaient pas au vert lors du dernier contrôle technique.
Les parties goudronnées, balayés par les vents sont devenus de véritables patinoires où il aurait été largement plus aisé de chausser des lames aiguisées pour les arpenter.
Ce qui devait arriver arriva… Ca va de soi! Perte d’adhérence en chaine! C’est la chute!!! Pour le moment elle s’accorde au singulier mais c’était sans compter sur la malice de la doyenne pour qu’elle devienne plurielle.
La peur de rechuter n’y fera rien!
3, 4, 5…Il faudra à chaque fois se relever et avancer!
Fini le relâchement des premiers instants. Place à un peu de crispation, beaucoup d’appréhension pour alterner descentes et montées, relance et défaillance ! Ne pas oublier de s’alimenter et de s’hydrater tant que cela est possible. On est jamais à l’abri que notre estomac nous cause quelques soucis. Il fait un temps à apporter un peu de modération.
Mais que vois-je à l’horizon ? Mirage ou hallucinations?
Rien de tout ça! Juste des groupes d’ultra motivés, réchauffés par des brasiers de feu de bois, par des feux de palettes et par des breuvages dont ils gardent secret la recette!!
Ils sont là, au milieu de nulle-part pour nous encourager, nous permettre et nous donner l’envie d’avancer, la force de continuer!
Il ne faut pas se le cacher, bien souvent l’idée d’abandonner nous traverse pour aller se glisser sous la couette d’un lit douillet.
Les heures tournent, les kilomètres s’additionnent. Le corps et l’esprit fatigués commencent à imaginer s’en trop y penser, à cette arche d’arrivée déployée au cœur de la halle Tony Garnier.
Résister, batailler mais aussi savourer. Oui savourer, ne jamais oublier la chance de pouvoir s’aligner sur cette ligne de départ et de pouvoir envisager de rallier l’arrivée.
Enfin terminé…déjà terminé…!
Pensée qui commence concrètement à exister. Quand se profile cette ultime descente d’escaliers, que les tensions et douleurs se font oublier, que la halle Tony Garnier pointe son nez, il devient concret qu’on y est!!!
C’est une décharge d’émotions qui prend alors possession de ce corps endolori par les tumultes de cette nuit.
Inutile de chercher à décrire ce qui nous traverse à cet instant tellement cela est intime, tellement cela est personnel, tellement cela nous appartient.
Une Saintélyon c’est un périple où tu laisses des bouts de pieds, des bouts de chevilles, des bouts de genoux, des bouts de doigts pour trouver et découvrir des bouts de toi…
Introspective, méditative! C’est un voyage au fond de soi!!
Prudent doit être celui qui crie trop vite qu’il ne reviendra pas… 😜
Et vous, tenté pour 2023 ???